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Céline CLÉRON

L’horizon des événements

20 mai – 13 juillet 2017

Vernissage le samedi 20 mai, 12h – 20h30

Pendant CHOICES Paris Gallery Weekend, ouverture exceptionnelle le dimanche 21 mai de 12h à 19h.


En astrophysique, L’horizon des événements est la limite à partir de laquelle la lumière est absorbée par un trou noir. Dans ces zones singulières du cosmos, l’espace-temps se dilate sous l’effet de forces gravitationnelles colossales. Céline Cléron reconnait une dimension de son art dans cette suspension du temps. A l’image de sa sculpture Une minute de latitude, montrant un navire à voiles arrêté au dessus d’une rampe de toboggan, prêt à glisser dans l’abîme.


Pour sa première exposition à la galerie Papillon à Paris l’artiste cristallise cet horizon vertigineux avec un ensemble d’œuvres nouvelles et récentes où il est à la fois question de gravitation, de mécanique ondulatoire, de point d’équilibre, de fête foraine, de mythes, de risque et de mort. Ces créations forment un paysage composite d’os et de bois peuplé de squelettes d’animaux, de montagnes russes, de ruines ou de portraits fantomatiques ; le tout mis en présence d’humains bien vivants, nous-mêmes en tant que spectateurs. Bien vivants certes, mais pour combien de temps encore ?


Car cet horizon est constellé des points de rupture avec lesquels notre civilisation joue actuellement. C’est précisément ce que l’artiste stigmatise avec la série de sculptures intitulée Conseil de révision, constitué de toises réalisées avec des crânes de mammifères ou de poissons venant coiffer les humains placés dessous.  Le dos au mur face à nos propres contradictions, nous sommes remis ici à notre juste place dans le règne du vivant. A travers cette évocation de l’évolution des espèces et de la relation homme-animal, c’est tout notre vécu contemporain paradoxal et vertigineux aux allures de montagnes russes qui est convoqué ici. Et en quelque sorte exorcisé.


L’art de Céline Cléron a quelque chose de grave mais aussi de ludique. C’est pourquoi l’horizon qu’elle propose ici veut déjouer toute velléité de catastrophisme ambiant. Sa nature profonde, son point de mire, correspondent avant tout à un horizon visionnaire qui nous invite plutôt au détournement, au dépassement et à la transcendance.


Dépassement des tensions entre les forces qui habitent ce monde, qui sont réarticulées dans l’exposition avec d’un côté, la verticalité, la structure, la raison, la nécessité de rigidifier et de contraindre, et de l’autre, l’horizontalité, les courbes, le mouvement, avec le besoin de s’échapper et de risquer.


De se risquer à la vision justement. N’oublions pas qu’en cosmographie L’horizon des événements induit également l’existence d’une forme d’au-delà ou d’outre-monde. Un outre-univers sur lequel les scientifiques spéculent actuellement : les trous noirs sont-ils des points de non-retour, des abîmes sans fond ou sans fin ? A moins qu’ils n’ouvrent des passages vers d’autres mondes, d’autres réalités de l’espace-temps auxquels ils pourraient donner accès, par exemple avec le voyage temporel ?


Ces transitions temporelles évoquent certaines œuvres de Céline Cléron qui nous renvoient à d’autres périodes de l’histoire de l’art que l’artiste revisite en les faisant remonter à la surface du présent. Notamment ici avec la résurgence des fascinants portraits du Fayoum exhumés de tombes datant de l’Egypte romaine, avec leurs regards fixes qui semblent nous contempler depuis l’au-delà. Dans l’exposition ils retrouvent une troublante présence à travers une nouvelle série de sculptures faites de verre et de sable qu’ils ont inspiré.


La plupart des images-apparitions que Céline Cléron convoque dans son art (à moins qu’elle ne soit convoquée par elles), proviennent de rêveries étranges ou de curieuses visions le plus souvent inopinées, qui s’imposent à l’artiste avant qu’elle ne les matérialise dans ses sculptures ou dans ses aquarelles.


Ces œuvres-visions que l’artiste reçoit avant de nous les transmettre, renvoient aux mystères de la dimension oraculaire. C’est ce que symbolise également le grand squelette de python de la sculpture éponyme de l’exposition (L’horizon des événements #2). Le python a aussi donné son nom à la fameuse Pythie de Delphes, qui délivrait ses messages du fond d’une grotte, juchée sur un trépied, au bord d’un gouffre.


Ici la grotte est bien entendu l’exposition où Céline Cléron nous invite à nous placer au bord du monde pour reconsidérer l’œuvre-oracle comme clef et comme possible résolution. Comme forme d’espoir aussi, puisque L’horizon des événements redevient ici un horizon visionnaire auquel les œuvres d’art donnent à nouveau accès.


Pascal Pique