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Joël Kermarrec

Murmure

28 janvier - 25 février 2023
Vernissage samedi 28 janvier 15h-20h
 

"Les trois bougies de l’atelier"
 

Pour Joël Kermarrec, l’art était un pari qu’il renouvelait chaque jour. L’art était un acte qui lui permettait de "toucher", d’atteindre le monde. La vivacité, la curiosité de son esprit dégageaient une formidable énergie. Grâce à elles le monde devenait vivable. Questionner l’image, la matière, la connaissance, le faire par la peinture était sa vie même.

Il croyait au monde qui l’entourait, il l’habitait, le bousculait avec une sorte de joie souriante ou cruelle. C’était un bonheur de partager avec lui les aventures quotidiennes qu’il offrait au regardeur.

Cette joie, ce désir d’être au sein du monde étaient balancés, contredits par un doute radical qui l’amenait à mettre en cause ce qu’il croyait, ce à quoi il tenait précieusement, existentiellement ou philosophiquement.

Sa pensée était à la fois celle d’un sentimental, d’un sujet rêvant et celle d’un analyste se méfiant des sentiments. Il ne mettait en jeu ces rêveries (Ostende), les merveilles de l’illusion qu’à la condition que dans le même tableau (le cadre, la fenêtre...), elles soient désamorcées. L’un ne pouvait exister sans l’autre. Tout se passait sur la toile, sur une feuille de papier, sur une ardoise, mais au sein de ces surfaces se livrait une bataille sourde, secrète, une partition composée par ces contradictions incarnées par la peinture, le dessin, le collage, l’empreinte, d’où surgissait l’univers de ses figures. Elles étaient les actrices sur une même scène des "charmes" de l’illusion et de la conscience acérée de l’analyse.

Au cœur de son œuvre, nous allons de surprise en surprise. Sans cesse à se perdre et à se retrouver. Joël Kermarrec pense "oui et non" dans le même espace ; c’est en cela, selon les termes d’Hölderlin, qu’il est un poète.

Il voulait embrasser le monde mais il savait que le monde est une histoire, une énigme qui ne se livre que grâce à l’exercice d’une interprétation, d’une initiation qu’il mettait en œuvre à travers ses travaux, sa passion des formes, de l’histoire de l’art, de l’ésotérisme du langage, du partage de la pensée avec ses amis, de la transmission "engagée" avec les étudiants.

Ce principe de contradiction créait des "avancées" grâce à l’amour mais aussi au conflit, à l’illumination de la surprise qui en résultait. Il prenait et donnait avec la même générosité, cherchant avec espoir l’inespéré. Il y a de la lumière dans l’œuvre de Joël Kermarrec. Je crois que pour mieux la "voir", il fermait les yeux et laissait venir à lui les créatures nées de la dépense spirituelle qui était la sienne. Il conversait silencieusement avec certains travaux de Toni Grand, Gérard Gasiorowski, Wolfgang Gäfgen, Claude Viallat, Erik Dietman ou encore Sigmar Polke ou Klimt comme avec celles de jeunes artistes qu’il avait un vrai bonheur de découvrir, de défendre tout en les "malmenant", les dérangeant pour les faire sortir d’eux- mêmes. "Sortir de soi", déjouer les conventions lui étaient essentiel afin d’être disponible à la beauté, à l’éblouissement pour, grâce à l’art, être présent à toutes les dimensions de son être.

Dans son atelier, nous suivions parfois désorientés la complexité perceptive et mentale qu’était la sienne et d’un coup, comme l’ange ou l’étoile qu’il évoquait souvent, elle se métamorphosait en une sensation plus ample : la conscience de cette intense présence au monde. Entre veille et sommeil, c’est le don, la grâce, le "ravissement" que nous partagions avec lui grâce à ses œuvres autour de nous. Ces œuvres qui sont là, aujourd’hui, devant nous.

Olivier Kaeppelin - janvier 2023