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Raphaëlle PERIA
Marinus Asiaticus

2 septembre – 27 septembre 2017

Vernissage le 2 septembre, 12h – 22h
 

La galerie Papillon présente la première exposition personnelle de Raphaëlle Peria, Marinus Asiaticus.

La maturation de cette exposition débute par la rencontre de l’artiste avec le livre de Robert Harrison, Forêts. Dès les premières pages, une annotation interpelle, « Incandescence des arbres. Feu de mémoire ». C’est pourtant page 94 que l’on découvre les quelques lignes à l’origine de cette exposition.

À la suite de cette rencontre littéraire, Raphaëlle Peria se rend en Turquie au cours de l’année 2015 pour poursuivre son travail de recherche, plus précisément au coeur d’Ephèse. Le site antique accueille chaque année des milliers d’individus désireux de voir le temple d’Artémis, l’une des sept merveilles du monde.

 

Faire feu

Depuis ses débuts, Raphaëlle Peria perçoit le monde à travers le regard qu’elle colle à l’appareil photographique. Grâce à cet outil, elle touche le coeur de son propos, la nature pour elle même, la nature en elle-même. La mémoire visuelle qu’elle se fabrique, elle la retravaille, le plus souvent après l’oubli, dans un appauvrissement mémoriel volontaire. À la force de la gouge, avec la douceur de la fraise ou la précision du scalpel, l’artiste sculpte une nouvelle image. Celle qui lui reste en mémoire. Celle qu’elle donne à voir au reste du monde.

Physique, ce travail n’est pas un exercice de correction. C’est une révélation par la perte. Elle gratte, elle empreinte, elle marque et tend même parfois vers une pratique picturale.
 

« Les collines ne pouvant plus retenir l’eau, les écoulements se précipitèrent dans la vallée. Le labourage aggrava l’érosion du sol, et la vase envahit le grand port d’Ephèse... »
 

L’effacement devient une véritable opportunité permettant à l’artiste de rendre compte du manque qui touche chaque être de mémoire. Dans ce jeu de recouvrement, où la perte devient prétexte à monstration, Raphaëlle Peria crée une nouvelle image. Elle interroge autant qu’elle met en lumière. Le retrait donne du volume au souvenir. Les zones intactes, la pureté de la lumière, le ciel, l’effacement partiel et choisi de la composition sont les témoins visuels de la psyché de l’artiste.

Dans ce travail, tout est dualité : fragilité de la matière et brutalité de l’outil ; archéologie et photographie ; réel et cité imaginaire. La dégradation du lieu laisse place à l’éclat, comme abstraction graphique, presque picturale.
 

« ...si bien que la cité, au bout du compte, dut déménager plus loin sur la côte. A quatre reprises au moins, la vase envahit ainsi le port de la ville »
 

 

Êtres incandescents

À la manière de l’archéologue, Raphaëlle Peria pose un regard et crée de la mémoire sur ce que l’on ne voit plus. Elle ouvre les yeux. Le spectateur, libre de soutenir un regard identique, est plongé dans une expérience contemplative. Pour en disposer, il lui faut véritablement regarder, écouter, se rapprocher.

Fragments de pensée réinventés, la déperdition dans Marinus Asiaticus nous traverse comme un monde en reconstruction.

Puissante et généreuse, ce qu’il reste pourtant du passage de l’individu, visible au coeur de l’exposition est la ruine. De la brutalité de l’effacement advient un paysage sensible, paisible, sans le moindre bruit si ce n’est celui que l’on s’accorde à y placer. Cet espace est destiné à rester éternellement vide.

La nature est pureté, l’être dévastateur. Cette apologie du paysage transporte le spectateur hors du temps. Là où la nature se révèle, où elle essaie de reprendre de droit ce qui lui appartient. Mais à ne pas s’y méprendre, l’Homme est bien présent à travers les clichés. Ce n’est qu’un aparté dans l’appropriation du réel que l’on se crée.

 

Julie Noël, juillet 2017      

 

 

Raphaëlle PERIA – née en 1989, vit et travaille à Paris. Diplômée de l’École européenne supérieure d’Art de Bretagne en 2014. Sélectionnée pour le Prix Révélations Emerige 2015, elle participe à l’exposition Empiristes, commissariat de Gaël Charbau. Lauréate de la 8ème édition du Prix Science-Po pour l’Art Contemporain en 2017. Représentée par la galerie Papillon depuis 2016 « Marinus Asiaticus » est sa première exposition personnelle.