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Elsa Sahal

Les vases sont debout, les potiches ont attrapé des jambes print

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Elsa Sahal

Les vases sont debout, les potiches ont attrapé des jambes
22 mars - 17 mai 2025
Vernissage samedi 22 mars 15h - 20h

"Les vases sont debout, les potiches ont attrapé des jambes" est une phrase tirée des Guérillères[1] de Monique Wittig. Je l’ai entendue, alors que j’étais en train de faire des vases en forme de femmes avec des fleurs-seins à l’intérieur. Cette coïncidence m’a tellement surprise que j’ai choisi ce titre pour lui rendre hommage. Ça faisait tellement longtemps que je faisais de la céramique et qu’on me disait « ah c’est de la poterie, c’est de la vaisselle. » Récemment, on a enfin compris que la céramique pouvait être de la sculpture. C’était le moment de se saisir du thème du contenant et de le faire marcher." Elsa Sahal

"Résistant à la standardisation, armée de son matériau de prédilection, la céramique, et d’un registre de formes échappant à la détermination normative et objectivée, Elsa Sahal dessine des corps monstrueux et déstandardise les corps des femmes qu’elle n’hésite pas à hybrider comme le faisait littérairement Mary Shelley avec son Frankenstein. En outre, ces assemblages rappellent la célèbre "sirène des îles Fidji" présentée par Phineas Barnum en 1842 dans son musée de New York. À l’égal de son artefact, les sculptures de Sahal n’entretiennent aucun lien avec une quelconque véracité. […]

Ses sculptures se jouent de la prétendue douceur d’une palette où abondent notamment la couleur rose et le grain texturé de la matière en surface pour mieux dérouter l’emprise de la standardisation. En exposant sans fioritures la manière dont le travail de la main permet de contrecarrer avec ses aspérités, dénivellations, et autres états de la matière, les sculptures revendiquent à la fois le geste de la main, et son corollaire, la puissance de l’artisanat, en contredisant l’assignation de la céramique à l’extension des activités domestiques féminines. Quand la question de l’œuvre artisanale réalisée par une femme est abordée, elle l’est presque toujours dans les seuls termes d’une revitalisation du dilemme entre industrialisation et artisanat, et par conséquent dans une opposition simpliste homme/femme ; cette dernière étant évincée de la production industrielle. Mais en plus de s’emparer de cette prétendue objectivisation des techniques sexistes, les sculptures d’Elsa Sahal déconstruisent l’illusion d’une conception normative postulant l’existence de modèles universels.

Plus spécifiquement, les sculptures d’Elsa Sahal s’inscrivent dans un projet de reconstruction de l’histoire de l’art à partir d’une perspective de désinvisibilisation de la pratique des femmes et des historiennes prolongeant les débats du tournant des années 1970-1980. Si l’historiographie contemporaine s’en est emparée en partie depuis peu, reste encore à approfondir et consolider l’ensemble de ces travaux. Longtemps envisagées comme les « Little Women » œuvrant à la réussite professionnelle de leurs époux, amants et pairs, il est temps de construire - quitte à le simuler - un regard spécifiquement féminin d’empouvoirement à partir de l’art en s’appropriant, par exemple, le four à céramique de la femme artiste. Elsa Sahal élabore ainsi une politique d’émancipation des gestes du travail, de l’œuvre et de ses significations. […]

En dissimulant des significations chiffrées dans ses sculptures de l’excès, tels les signaux codés transmis par Rosa Luxemburg[2] pour mener sa révolution, c’est cette fois à partir de son atelier, et à travers les sculptures qu’Elsa Sahal réalise avec le plus grand soin ses œuvres, qui dynamitent joyeusement dans l’hubris toutes les métaphores gentillettes censées signifier les femmes car son travail « désoriente les choses, [...] perturbe un certain ordre du monde. »[3] Les sculptures d’Elsa Sahal en général, et les vases en particulier, sont alertes et prêts à décamper. Ce faisant, ils renversent une série de clichés dont le premier tient au matériau employé, la céramique, si intimement associée à l’artisanat et aux distractions féminines ; le deuxième concerne La représentation codifiée du corps féminin normé par le male gaze qui a construit l’historiographie de l’art ; et le troisième se dégage de la perfection des proportions des corps pour au contraire en revendiquer la sublime hybridité. Monstruosité, désorientation et cryptologie cisellent ensemble le vocabulaire politique des formes de l’art d’Elsa Sahal et soulignent les bienfaits de sa position amorale, incisive et indisciplinée. Ils offrent l’opportunité d’une rencontre entre des êtres différents s’adressant à toutes Les Guérillères et aux passagères clandestines de l’histoire, de l’art et de la vie."

[1] Monique Wittig, Les Guérillères, Paris, les Éditions de Minuit, (1969) 2019, p. 205-207.
[2] Muriel Pic, Rosa Luxemburg, Herbier de prison (1915-1918), Genève, Héros-Limite, 2023, p. 352.
[3] Sara Ahmed, "Orientations. Vers une phénoménologie queer", Multitudes, 2021/1 (n° 82), p. 200.

Alexandra Midal
Extraits du texte Monstres exquis in Les vases sont debout – Les potiches ont attrapé des jambes – Elsa Sahal édité par JBE Books, 2025

Scénographie de l’exposition : BLLK*


Elsa Sahal - Née en 1975 à Bagnolet. Vit et travaille à Paris.

ACTUALITÉS 2025
La Piscine de Roubaix
exposition personnelle Pool Dance, 1er mars – 1er juin
Musée des beaux-arts de Rennes exposition personnelle L’alchimiste, Gilda, Suzanne et les autres, 28 mars – 31 août
Monographie Les vases sont debout, les potiches ont attrapé des jambes – Elsa Sahal, chez JBE Books, février

EN QUELQUES DATES
2000 Diplômée des Beaux-Arts de Paris, elle rejoint la Galerie Papillon.
2007 Résidence à la manufacture nationale de Sèvres.
2008 Exposition personnelle à la Fondation d’entreprise Ricard.
2009 Professeure invitée à Alfred University, New York State College of Ceramic.
2013 Résidence à Archie Bray Foundation; participe à Body & Soul: New International Ceramics au Museum of Art and Design de New York, États-Unis.
2015-2016 Ceramix au Bonnefantenmuseum, Maastricht et à la maison rouge, Paris.
2017 Women House à la Monnaie de Paris et au National Museum of Women in the Arts à Washington. Premier solo show à The Pill, galerie qui la représente dès lors en Turquie.
2018 6ème exposition personnelle à la Galerie Papillon – curator Gaël Charbau.
2019 Premier solo show à Nathalie Karg Gallery, New York qui la représente dès lors aux États-Unis.
2020 Picasso, baigneuses et baigneurs au musée des Beaux-Arts, Lyon
2021 Les flammes. L’âge de la céramique, Musée d’art moderne, Paris.
2022 Toucher Terre, l’art de la sculpture céramique, Fondation Villa Datris et à Contre-nature. La céramique, une épreuve du feu au MO.CO.

© David Bordes 

Mehdi-Georges Lahlou

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© Le Parvis / Valérie Servant

Mehdi-Georges Lahlou

À l’ombre des palmiers
16 novembre 2024 - 18 janvier 2025
Vernissage samedi 16 novembre 15h - 20h

Mehdi-Georges Lahlou initie des relations entre humains et non humains au sein d’un nouveau récit ethnoécologique. Observateur avant-gardiste des mutations contemporaines, il aborde les questions d’identité, d’histoire, de migrations, de religion et de domination culturelle en intégrant le vivant au cœur de la narration, au lieu de le considérer comme une entité séparée.

 

Alors que les archives de l’intime — souvenirs, lettres, cicatrices, photographies — témoignent des transformations de l’histoire, la nature est également dépositaire de la mémoire collective. Dans son travail, les non-humains deviennent témoins des migrations, des oppressions et de l’uniformisation des cultures.

 

Ses photographies, sculptures, performances, tapisseries et installations investissent les angles morts de la mémoire et de l’histoire, tissant des liens entre les enjeux sociaux et environnementaux. En reliant animaux, plantes, rituels, archives et symboles, Mehdi-Georges Lahlou défie les classifications, révélant par des chimères la nature hybride et fluide des identités. Dégageant l’arôme des expériences transpersonnelles, il célèbre la rencontre de l’invisible et de la diversité sous toutes ses formes, biologique, sociale et spirituelle.

 

Le palmier, central dans le travail de l’artiste, engage une réflexion contemporaine sur les migrations et la géopolitique mondiales. Exploité en monoculture depuis des siècles et aujourd’hui accusé de remplacer les forêts primaires, ses fruits (drupe, datte, noix de coco) deviennent des symboles complexes mêlant colonialisme et quête spirituelle.

Avec La conférence des palmiers, Mehdi-Georges Lahlou revisite la fable initiatique multiséculaire "La Conférence des Oiseaux" de Farid al-Din Attar. Un dattier androgène en céramique, aux multiples têtes et branches, établit un lien subtil entre le corps humain et le vivant. Près de lui, sur une tapisserie murale, un oiseau de paradis verse une larme amère. Les fruits d’un autre palmier, le cocotier, recouverts d’encre de Chine dans des "chapelets" géants, évoquent le déplacement et l’adaptation des objets de culte à travers les cultures et les époques. En revisitant la piété mariale, l’artiste crée un symbole de migration, démontrant que les objets sacrés s’intègrent et évoluent eux aussi avec les territoires qu’ils traversent.

 

En croisant les itinéraires d’échanges et les itinérances intérieures, Mehdi-Georges Lahlou suggère que les réponses aux questions de déplacement et d’exil sont souvent à chercher en soi, dans un cheminement de reliance perpétuelle.

 

Alice Audouin

Curatrice, autrice et consultante en art et écologie, fondatrice d’Art of Change 21

Octobre 2024